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Pierre-Olivier Arnaud (FR)

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  • (photo: Annik Wetter)
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Pierre-Olivier Arnaud (FR)

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November 11January 8, 2010  |  Evergreene (Geneva)

Pierre-Olivier Arnaud, collectionneur de disparitions

En 2007 Pierre-Olivier Arnaud recherche sur Internet des images d’hôtels portant le nom Cosmos. Il compose ainsi un corpus de représentations de ces bâtiments que l’on trouve dans le monde entier. La première œuvre née de ce projet est un ensemble d’impressions  jet d’encre sur des formats A4 collés au mur. Chaque feuille porte une image telle qu’elle est trouvée, avec une définition de plus ou moins bonne qualité. En déployant ces images     côte à côte sur un même mur, Pierre-Olivier Arnaud cherche à « identifier la façon dont se représente le croisement entre une société de loisir et une société bureaucratique ». Le mot Kosmos renvoie en effet aux missions spatiales lancées à partir de 1962 par ce qui était  alors l’Union soviétique. De façon un peu abrupte, on peut voir le cosmonaute comme le concurrent communiste de l’Astronaute capitaliste. Et, de façon plus générique, le terme Kosmos porte, dans les années 1960, les espoirs d’une idéologie, la promesse d’un monde nouveau.

Depuis, les espoirs se sont fanés, mais quelques traces subsistent de cette époque d’optimisme et de conquête. Pour les recueillir Pierre-Olivier Arnaud se rend sur place et récolte ce qui pousse encore à l’ombre de ces promesses architecturales. Cette deuxième partie du projet projet : cosmos, qui est devenu le titre général du corpus, ne consiste pas à rapporter d’autres images des hôtels mais tend à considérer leur implantation comme une marque sur un territoire qu’il s’agit d’inspecter. Par exemple, à Chişinău, en Moldavie, Pierre-Olivier Arnaud photographie des fleurs. Il produit ainsi des images en écho à des cartes postales que l’on trouve dans certains pays de l’est qui figurent des bouquets et sont envoyées à l’occasion de fêtes populaires. Ce sujet peu commun et le genre qui s’y adosse apparaissent comme des pratiques rescapées d’une période disparue. Elles sont présentes en creux dans les photographies de Pierre-Olivier. Comme les autres images de projet : cosmos, elles sont le reflet de plus en plus trouble et effacé d’un objet qui lui aussi disparaît.

La prise de distance vis-à-vis de la description qui est à la base de projet : cosmos s’accorde avec sa mise en œuvre. En effet, le corpus d’images rassemblé par Pierre-Olivier Arnaud

est fait de lambeaux identiques aux traces de ce qu’il recherche. Il précise que « ce travail s’opère comme une récolte d’images en faillite ». Récolte à laquelle il donne une forme qui redouble la disparition qu’elle annonce.

Car si son objet d’étude s’évapore et que ses images n’en rendent pas compte de façon directe, le support sur lequel elles s’impriment est lui aussi instable. On pourra en effet voir le projet projet :cosmos sur les cimaises de la Foire Internationale d’Art Contemporain à Paris, dans le cadre de l’Audi Talents Awards. Pendant les cinq jours de cet événement un nouvel ensemble d’images sera collé quotidiennement sur les murs de l’espace d’exposition et recouvrira le précédent. Cette forme d’épuisement est courante dans le travail de Pierre- Olivier Arnaud. Souvent ses images, qu’elles soient trouvées ou faites par lui, sont   apposées directement au mur. Impliquant de fait qu’elles en sont arrachées lorsque l’exposition est finie, elles apparaissent dans leur nature facilement reproductible tout en soulignant le caractère périssable de leur support. Il arrive également qu’elles se  présentent en piles. Les spectateurs sont alors invités à prendre en charge leur dispersion.

Mais ces tirages, bien que multiples, ne sont pas illimités. Leur nombre est, la plupart du temps, fixé à cent par l’artiste. Leur diffusion implique donc également leur disparition. Une disparition qui s’adosse à l’épuisement du sujet. En effet si le protocole mis en place pour produire ces ensembles d’images sur l’effritement d’une idéologie met en doute leur capacité à documenter, les façons dont ces images apparaissent signalent une méfiance quant au médium exploité.

Pour circuler, une image emprunte des voies semées d’effets et d’outils qui altèrent ses qualités. Les modifications qu’elle subît lorsqu’elle est transférée de l’argentique au numérique, d’un format à un autre, ou d’une résolution à l’autre, sont des modalités de déplacement qui dévient ses propriétés. Chacune de ses apparitions se donne donc comme un renouvellement qui toujours déplacent notre perception de l’objet qu’elles représentent. D’ailleurs, le lecteur attentif aura remarqué que l’image en couverture de Artcollector n’est plus exactement la même quelques pages plus loin, à coté de ce texte. Ces déplacements sont symptomatiques de l’image telle que l’envisage Pierre-Olivier Arnaud et c’est sur un mode identique que s’évapore l’ailleurs possible qu’il tente de représenter. Ce monde programmatique n’est désormais plus qu’une image, un souvenir, dont la seule représentation possible repose sur un médium rongé par la même instabilité que lui.

François Aubart